Beau fixe sur Torhout/Werchter pour les cent vingt mille campeurs du rock
Les six premiers mangent la poussi�re, les autres l'emportent
Le festival a enfin
renou� avec le
beau temp. Dom-
mage qu'il fallut
attendre Neil
Young pour vivre
un grand moment.

A Torhout:Werchter,
il y a les ann�es
" coup de soleil "
et les ann�e
" boue et plasti-
que ". On a fort heureusement
retrouv� un temps plus cl�ment
permettant d'appr�cier davanta-
ge la musique. Au moins la m�-
t�o n'aura pas d��u. On ne peut
pas en dire autant des six pre-
miers groupe qui n'ont, � une
seule exception pr�s - Level-
lers - r�pondu aux espoirs
qu'Herman Schueremans avait
mis en eux. Il a voulu plaire aux
plus jeunes mais la grosse ma-
jorit� d'entre eux s'�taient visi-
blement pr�cipit�s sur les cent
vingt mille tickets pour, au
choix, Young, Kravitz et Metalli-
ca. Au point de permettre au
march� noir d'atteindre le jour
m�me les 4.000 francs le pr�-
cieux billet.

On a eu beau silloner le terrain
de long en large, de 11 heures �
17 h 50, torhout ressemblait �
une morne plaine assomm�e
par le soleil. Si l'on exepte les
quelques centaines d'excit�s au
pied du podium, tuant le temps
en exer�ant leur sport favori (le
" jump diving "), le gros des
troupes dort ou fait la file
pour les tickets boisson, fait la file
pour les tickets nourrirure, fait
la file pour les toilettes, fait la
file pour arriver aux files... Heu-
reusement que le flirt est l� pour
se distraire un peu.

Revenons-en aux malades du
" diving ". Cet art du d�foule-
ment est �videmment plus amu-
sant quand on peut se jeter du
haut de la sc�ne (" stage di-
ving ") sur les bras tendus de
ses petits camarades mais ici,
une fosse patrouill� par le ser-
vice de s�curit� emp�che d'at-
teindre le podium tant convoit�.
Tans pis, on fait avec ce qu'on
peut : la catapulte. Soit on se
lance du mieux possible sur la
t�te de ses voisins, soit on b�-
n�ficie de l'aide de copains pour
se faire gaiement �jecter les
quatre fers en l'air. C'est eni-
vrant comme tout de se faire
masser les reins par des mains
anonymes qui vous prom�nent
ainsi dans l'air sur plusieurs m�-
tres, le but du jeu �tant d'attein-
dre les barri�res de s�curit� o�
les gardes se font un plaisir de
vous rep�cher pour vous recon-
duire � la premi�re sortie de
secours. Et le jeu recommence.

L'herbe �tant particuli�rement
rare cette ann�e, c'est un nuage
de poussi�re qui s'�l�ve des
premiers rangs comme si un
troupeau de buffles passait par
l�. Et c'est journalistes, photo-
graphes, invit�s, " s�curity
men " et artistes qui bouffent la
poussi�re. " Ask the dust ", di-
sait Fante. Demande la poussi�-
re et tu l'auras. Au moins, cette
couche de protection totale bon

Neil Young et Steve Cropper nous ont offert le plus beau moment du
festival et Lenny Kravitz, la plus jolie batteuse de la journ�e en plus d'un
excellent concert.
march� nous aura prot�g�s des
rayons meurtriers du soleil.

OU EST LE SPECTACLE ?

Les choses s�rieuses - la mu-
sique - ont tr�s bien commen-
c� avec les Levellers. Les gars
de Brighton ont assur� malgr�
l'heure indue (10 h 20), le violon
venant colorer un folk-rock fort
r�jouissant. Ce fut le seul mo-
ment de bonne humeir avant
longtemps. Car Sugar, c'est loin
d'�tre des petit rigolos. Bob
Mould choisit la mani�re forte,
celle qu'il pr�f�re. D�j� qu'au
Vooruit, il avait r�ussi � faire fuir
dans le couloir ceux qui tenaient
encore un peu � leur tympans,
ici il n'a pas fait la diff�rence,
imposant un mur du son qui eut
pour f�cheux r�sultat de couvrir
sa voix ainsi que la finesse de
ses chansons. Seule la rythmi-
que permettait de reconna�tre
les morceaux. Ne p�tant pas un
mot, encha�nant chaque mor-
ceau sans laisser au public le
loisir d'applaudir, � supposer
qu'il en ait envie, extr�me et
irr�ductible, Bobby a au moins
le m�rite de ne pas chipoter et
d'aller au bout d'un concept res-
pectable : l'intrangisance.
Apr�s �a �videmment, The Tra-
gically Hip nous a paru bien
fade. Seuls les photographes
ont appr�ci� les mimiques zen
du chanteur Gordon Downie. On
ne se souvient pas du reste. La
pression (� la pompe) ne monte
toujours pas mais bien la pous-
si�re. Sonic Youth a fait son
boulot comme si de rien n'�tait.
Larsens pr�visibles, mur du son
bien appliqu�. On a oubli� de
leur dire que les atmosph�res
sombres et violentes qu'on re-
trouve facilement dans un club
new-yorkais sont difficile � re-
produire en pleine journ�e sur
une surface comme T/W. Et
comme l'an dernier, on s'est
retrouv� avec le m�me probl�-
me de groupe qui ne tirent
aucun parti de l'open air. Metalli-
ca avait eu l'amabilit� d'installer
une passerelle triangulaire
s'avan�ant dans le public et per-
sonne n'a song� � y mettre un
pied dessus avant Lenny Kravitz
pour un rapide tour de piste. A
croire qu'il fallait payer un droit
de passage � Metallica. il fut un
temps o� les groupes profi-
taient de ce type d'occasion
pour entrer en communication
avec le public. Aujourd'hui, tout
le monde est bien planqu� der-
ri�re ses enceintes de retour,
reproduisant le m�me concert
que quelques mois plus t�t en
salle. Les Black Crowes ont as-
sur� sans surprendre avec leur
rock seventies et leur fringues
psych�s. L� aussi, R.A.S., rien �
signaler. Idem pour Faith No
More sinon qu'on s'amuse �
compter le nombre de fois que
se ramasse Mike Patton avec
son micro qui fait boum chaque
fois qu'il mord le mord. On en
arrive � regretter Red Hot Chili
Peppers.

NEIL ET LENNY BLUES

Ca pieute toujours sec derri�re.
On n'a jamais vu si peu de filles
au premier rang, ce ne sont pas
des fanas du " diving " et l'affi-
che n'a jamais �t� aussi peu
sexy. Elles feront une petite per-
c�e pour Kravitz tout de m�me.
Avant cela, on a eu droit au
premier grand concert de la
journ�e, � 17 h 50, avec le
grand Neil Young entour� de
Booker T. Jones et des MG's. Le
Canadien fid�le � sa chemise �
carreaux mais sans manche sur
t-shirt blanc et � ses jean's mais
sans trous a livr� une heure et
demi d'un " best of " exemplai-
re. Enfilant d'une seule traite
" Southern Man ", " helpess "
(au piano et harmonica) et "Like
A Hurricane ", il livre une sonori-
t� moins " destroy " que sur
" Live Rust " ou " Arc/Weld " et
forc�ment plus " blues " gr�ce
� l'orgue de Booker T. On re-
trouve " Powderfinger ", Neil se
remet au piano pour " Only Love
Can Break Your Heart " et offre
un superbe duo acoustique
avec Steve Cropper sur " Har-
vest Moon ". Plus personne ne
" dive ", les gosses sont calm�s
et �coutent respectueusement
un Neil Young qui trouve le pu-
blic trop sage � son go�t et lui
demande de faire un peu de
bruit. Ceci dit, il ose les ballades
et personne n'oserait le chahu-
ter. En guitare solo acoustique,
il nous redonne cette version de
" The Needle and The Damage
Done " enluminant son r�cent
" Unplugged " avant de s'en re-
tourner � l'�lectrique pour un
juteux vieux " Down By The Ri-
ver ".
On respire, on n'est pas venu
pour rien. Cela valait la peine
d'attendre six ans ce grand re-
tour en terre belge. on aurait
bien doubl� le " timing " mais le
festival n'�tait pas fini. Lenny
Kravitz a d�boul� pour un grand
concert lui aussi. Plus blues
(avec trois grosse chanteuses
noires et une section de cuivres)
que jamais, plus " seventies "
avec ses soli de guitare qui n'en
finissent pas, plus sobre dans
sa tenue de jean's, Lenny a con-
vaincu sans chercher � enfiler le
plus de titres possibles mais en
prenant le temps de d�cortiquer
chacun d'entre eux, d'en fouiller
la substantifique moelle. Kravitz
est un grand performer : le festi-
val en avait bien besoin. Et du
spectacle, du grand, du m�ga-
lo, le public en aura avec Metalli-
ca qui avait fait le d�placement
avec sa sc�ne gigantesque,
passerelles lat�rales et �crans
g�ants compris. Set efficace et
son foudroyant, Metallica ne
donne pas dans la surench�re
gratuite mais se contente d'un
rock direct, franc et massif.
Voil� un ti�rc� qui rattrape l'im-
pression laiss�e par les pres-
que deux tiers de l'affiche.
L'id�e de se tourner vers un
public plus jeune est bonne (m�-
me si peu d'entre eux ont paru
concern� par les groupes qui
leur �taient d�di�s) mais � l'ave-
nir, Herma, Schueremans de-
vrait davantage songer � pr�-
senter des groupes qui ont en-
core un sens du spectacles, sans
se contenter de groupes assu-
rant un mur du son guitare-bas-
se-batterie fondamentalement
trop proche les uns des autres.
On compte sur lui pour nous
arranger �a l'an prochain...

THIERRY COLJON


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